Rue Réaumur
Dans le paysage parisien, la rue Réaumur tient une place particulière. Elle prolonge la volonté d’Haussmann de créer des rue larges et aérées tout en rompant avec les normes de construction trop contraignantes. En l’espace de dix ans, presque trente ans après le départ d’Haussmann elle propose une architecture qui intègre bureau, atelier et habitation en faisant un large usage du métal pour ouvrir à la lumière.
Les deux axes nord-sud et est-ouest créés par l’ouverture du boulevard de Sébastopol en prolongement de la rue Saint-Jacques, et de la rue de Rivoli entre les rues de Rohan et de Sévigné structurent la volonté Haussmannienne de faciliter la circulation par des axes larges, aérés, rectilignes et lumineux. Comme la rive droite se trouvait malgré tout enserrée au nord par les boulevards longeant les anciennes fortifications (boulevards Saint-Denis, Saint-Martin, Bonne Nouvelle…) deux axes est-ouest seront intégrés dans les projets d’Haussmann pour traverser plus facilement ces vieux quartiers de Paris : la rue Étienne Marcel et la rue Réaumur.
En 1870 cette dernière, n’est encore qu’à l’état de projet ; la rue du 4 septembre — initialement appelée « rue Réaumur prolongée » — vient juste d’être terminée (1868). Elle part de la place de l’Opéra et s’arrête place de la Bourse. Sa prolongation en ligne droite deviendra la rue Réaumur. Le percement commence en 1854 entre la rue du Temple et la rue Saint-Denis. Mais pour une raison mystérieuse (ou de conjoncture politique ?) le percement de la rue St Denis à la Place de la Bourse, acté en 1864, est retardé de 30 ans jusqu’à ce que le conseil municipal, le 6 décembre 1897 ouvre un concours de façades aux réalisations de la rue Réaumur (concours étendu dans la même séance à l’ensemble des façades de Paris jusqu’en 1912).
De nouvelles normes de construction
Lorsque les travaux reprennent en 1895-1896 les règles de construction ont été revisitées. Le décret du 22 juillet 1882 assouplit les règles sur les saillies permises dans la ville de Paris et ouvre la voie aux constructions de bow-windows qui parfois sont utilisés en support de panneaux polychromes. Le décret du 23 juillet 1884 casse définitivement la règle Haussmannienne d’une pente de toit à 45° pour l’inscrire dans un arc de cercle d’un rayon pouvant aller jusqu’à 8,50 m rompant ainsi la règle qui voulait que la hauteur des immeubles se limitent à 20 m. Par ailleurs l’architecture métallique commence à déborder l’usage industrielle de la coupole de la Halle au blé, des charpentes de Labrouste ou des halles de Baltard pour permettre la naissance d’immeubles à usage mixte privé/commercial avec structure métallique apparente, et ouverture de larges fenêtres.
La rue Réaumur entre les rues Saint-Denis et Notre-Dame-des-Victoires est à cet égard singulière tant la concentration de ce type d’immeubles est importante. Dans la rue Réaumur, les magasins « À Réaumur » inaugurés par Félix Faure en 1897 (trois ans après Les Galeries Lafayette) s’enorgueillissent de fabriquer dans leurs propres ateliers les articles de prêt-à-porter. Beaucoup des immeubles alentours sont à cette époque des magasins de gros en textile ou des journaux.
Sources documentaires. Jacques Hillairet Dictionnaire historique des rue de Paris ; éditions de Minuit 1963. Pierre Casselle, Paris Républicain 1871-1914, Nouvelle histoire de Paris. Bibliothèque Historique de la ville de Paris.