Le gnomon de Saint-Sulpice
Dans la chapelle Saint-Jean Baptiste de l’église Saint-Sulpice, un monument funéraire à Jean-Baptiste Languet de Cergy met en scène l’Immortalité levant le voile funèbre qui recouvre le prélat, repoussant la Mort effrayée par cette « résurrection » ; un obélisque en arrière-plan, fait échos au gnomon installé à l’initiative du curé.
Personnage du siècle des Lumières, le curé de l’église Saint-Sulpice, est d’origine noble. Un de ses frères, Jean-Joseph, est archevêque de Sens alors qu’un autre, Jacques-Vincent, est ambassadeur de France à Venise. Il a obtenu du Régent — bien qu’il ait refusé de donner l’extrême-onction à sa fille la duchesse d’Orléans — le droit d’organiser des loteries entre 1721 et 1746 pour financer la fin de la construction de l’église.
A l’inverse du cadran solaire marquant les heures de la journée, le gnomon de Saint-Sulpice n’en pointe qu’une : midi. C’est en 1727 qu’est commandé à Henry Sully — connu pour avoir inventé la première horloge marine — un premier gnomon qui marquera le passage d’un point lumineux sur une ligne méridienne au zénith de la course du soleil. Le but est de connaître le « midi vrai » et le faire savoir en sonnant les cloches. À cette époque les horloges à balancier indiquent un temps moyen et, du fait de la forme elliptique de l’orbite terrestre, les journées « font » 24 heures à ±16 minutes. Cette première méridienne est toujours visible aujourd’hui, 20 à 30 centimètres à l’est de celle d’aujourd’hui dans le transept nord et sud (entre la dalle carrée de marbre et la porte de sortie du transept sud). Mort en 1728, Henry Sully ne put, à Saint-Sulpice, aller au bout de son ambition.
Une dimension religieuse
En 1742 Languet de Gergy revient à son idée en lui donnant une finalité supplémentaire : repérer la date des équinoxes, celle du printemps permettant de définir la date de Pâques — copiant en cela ce que 170 ans plus tôt, le pape Grégoire XIII commanda aux astronomes qui édifièrent un gnomon similaire dans l’église San Petronio de Bologne, pour définir le calendrier Grégorien. Il fait appel pour cette réalisation à Claude Le Monnier, membre de l’Académie des Sciences.
Le gnomon de Saint-Sulpice prend son « origine » par un trou percé dans une plaque de fer, à mi-hauteur du côté droit du vitrail du transept sud, par lequel le rayon du soleil passe et projette une « tache » de lumière qui, au zénith de sa course, coupe une méridienne matérialisée par une ligne de laiton au milieu d’une bande de marbre blanc, au « midi-vrai » du lieu. Du fait de la variation de l’angle d’incidence du soleil au fil de l’année ; la longueur de la méridienne doit être prolongée en hauteur du mur du transept nord dans l’axe d’un obélisque érigé pour cette lecture (le méridien de Paris qui traverse l’observatoire coupe la rue Saint-Sulpice entre la rue de Tournon et la rue Galande, ≠100 mètres plus à l’est). À peu près de l’axe de la nef, derrière la rambarde séparant le chœur, une plaque de cuivre ovale matérialise le point de passage du soleil au moment des équinoxes de mars et septembre. Héritage du siècle des lumières ce gnomon est entouré des quatre fresques du transept autour de la Passion du Christ (La Crucifixion en face de L’arrestation du Christ au Jardin des Oliviers dans le transept nord. La Résurrection en face de L’Ascension dans le transept sud.)
Un réel outil astronomique
Curiosité scientifique du siècle des Lumières le gnomon de Saint-Sulpice, en plus de la définition du « midi vrai » et des équinoxes du printemps et d’automne ; du fait de la grandeur de son gnomon, propose une lecture plus précise. C’est ainsi qu’à chaque solstice d’été de 1745 à 1791 Le Monnier — ou un de ses assistants — vînt relever le point précis du passage du point lumineux pour calculer la nutation à l’angle de l’axe de rotation de la terre. Autre phénomène observé autour du 3 janvier : le diamètre du cercle lumineux est plus important et définit la date de périhélie — lorsque la terre est au plus près du soleil (l’ellipse de la rotation autour du soleil ne formant pas un cercle).
Source documentaire : Le gnomon de l’église Saint-Sulpice. Michel Rougé, ©Paroisse Saint-Sulpice. Méridienne de l’église Saint Sulpice.