Un vandalisme « révolutionnaire »
Si la destruction de la Galerie des Rois de Notre-Dame de Paris est souvent mise en exergue de la « fureur révolutionnaire » du peuple de Paris aux côtés de la prise de la Bastille ; la réalité de cette campagne de vandalisme montre d’abord que ces destructions, loin d’être spontanées, sont d’abord une volonté délibérée de la Convention nationale de 1792 de « gommer » toutes références à la royauté et à l’ancien régime qui lui est associé. Ç’est bien au lendemain de la proclamation de la République en 1792 que cette campagne débute. D’abord en substituant le calendrier Julien par le calendrier révolutionnaire puis en changeant le nom des villes des places ou des rues… Il faut attendre l’avènement de l’empire pour que s’estompe cette politique, encore que des traces subsistent dans le paysage parisien… Nous les suivrons au fil des mois à venir.
Paris VII – Fontaine des quatres saisons
L’inscription latine au dos de la ville de Paris dédie la fontaine des Quatre-Saisons à Louis XV encore qualifié de « bien aimé » en 1739 : Au temps où Louis XV, père excellent et amour de son peuple, garant de la paix publique, après avoir étendu sans dommage les frontières du royaume de France, après avoir obtenu la paix entre les Germains, les Russes et les Ottomans, régnait avec gloire et pacifiquement, le préfet et les édiles ont consacré cette fontaine pour l’uiltité des habitants et l’ornement de la ville, en l’an du Seigneur 1739. Puis la Révolution Française décrète la destruction de tous les blasons emblèmes et symboles de la royauté et la couronne du fronton se retrouve remplacée par une couronne de laurier…
Paris VI – École de dessin
Curieusement, le fronton de l’École Royale de Dessin — aussi connue sous le nom de la Petite École — elle aussi créée durant le règne de Louis XV a toujours la couronne de France à son fronton. Est-elle d’origine auquel cas elle aurait bénéficiée d’une indulgence du fait de la gratuité de son enseignement (??) ou a-t-elle été vandalisée comme les autres et remise en l’état durant le règne de Louis XVIII lorsque lui est confèré le titre de « Ecole royale et spéciale de dessin et de mathématiques appliquées aux arts mécaniques ».
Paris VI – Faculté de médecine
Dans la rue de l’école de médecine également, au 12, au-dessus de la colonnade de la faculté René Descartes, anciennement faculté de médecine un bas-relief de Pierre-François Berruer figurait Louis XV, accompagné de la Sagesse et de la Bienfaisance reçoit le plan de l’école du Génie des arts. Après la Révolution, l’effigie du roi est remplacée par une allégorie zélée et le bas relief devînt : La Bienfaisance accordant des privilèges à l’Académie.
Paris I – Cours Carrée du Louvre (aile Lescot)
Si le palais du Louvre au moment de la Révolution n’a pas encore sa forme actuelle ; l’aile Lescot (à gauche du pavillon de l’Horloge) et ses sculptures de Jean Goujon initie l’usage qui sera fait par la suite du mariage de l’architecture et de la sculpture dans l’ornementation du Palais. Le fronton centrale Deux Renommées à la gloire du Roi symbolise le pouvoir guerrier de la royauté associé aux dieux de la guerre Mars et Bellone. A l’origine ces deux Renommées soutenaient une courrone royale au-dessus d’un ecusson fleurdelisé. Puis la Révolution transforma la couronne en laurrier, et les fleurs de lys furent remplacées par les initiales de la République (RF). A la restauration, Louis XVIII s’accomode de la couronne de laurrier mais rétablit la couronne royale au centre de l’écu au-dessus du monogramme d’Henri II.
Paris I – Cours Carrée du Louvre (Flanc ouest)
Le pavillon central du flanc est de la cours carrée a fait lui aussi d’une attention particulière de la part de Guillaume Coustou Junior pour la réalisation du fronton entre 1757 et 1759. En son centre un globe rayonnant orné de trois fleurs de lys entouré d’un colier des ordres du roi et suporté par deux anges tenant une guirlande. L’œuvre intitulé Les armoiries royales soutenues par deux anges tenant une guirlande et portées par des nuages va, durant la Révolution française, se transformer dans sa partie centrale en Un coq, entouré d’un serpent qui se mord la queue, est soutenu par des génies.
Paris I – Grande Colonnade Louvre
Chef d’œuvre du classicisme français, la colonnade du Louvre a fait l’objet d’un suivi particulier de la part de Louis XIV qui avait bien conscience que la face est de l’ancien palais serait l’image de la royauté pour le peuple de Paris. Cette double colonnade et ce toît presque plat rompent avec toutes les réalisations antérieures. Cette brillante réalisation souffre malgré tout d’un handicap rédhibitoire : l’absence de dégagement permettant une lecture de la façade dans son ensemble. Les travaux vont ainsi commencé en 1667, les deux pierres du fronton disposées… et le chantier pratiquement abandonné jusqu’à ce que le marquis de Marigny en 1755 confie à Gabriel et Soufflot la démolission de tous les bâtiments existants entre Saint-Germain l’Auxerois et la colonnade. Dans le même temps ce dernier propose à Marigny de confier à Costou la réalisation d’un fronton mettant en scène Minerve présentant au médaillon de Louis XIV le plan inachevé de la colonnade en le suppliant de l’achever. Les génies des arts l’accompagnaient alors que la Renommée couronnerait le Roi… Le projet fut abandonné et le fronton resta muet… jusqu’en 1808. Napoléon arrive et François Lemot sculpte Minerve entourée des muses de la Victoire couronne le buste de Napoléon ; alors que Pierre Cartellier en 1810 sculpte en bas-relief Victoire sur un quadrige distribue des couronnes en résonnance du quadrige de l’arc du Carrousel. La Restauration et l’arrivée de Louis XVIII change la donne : une perruque est ajoutée au buste de Napoléon pour le déguiser en Louis XIV et l’inscrition LUDOVICO MAGNO est insérée au catouche sous celui-ci… oubliant de gommer les abeilles — « fleurs de lys de l’Empire » — en bas relief sur le bouclier d’Athéna… et l’aigle impérial sur le quadrige de Cartellier.
Sources documentaires :
http://paris1900.lartnouveau.com/paris06/la_faculte_de_medecine.htm
Histoire du Vandalisme, Louis Réau, Collection Bouquins, Robert Laffont 1994
http://louvre.sculpturederue.fr/page287.html