Arc de triomphe du Carrousel
La restauration récente de l’arc de triomphe du Carrousel nous donne l’occasion d’une relecture de son histoire. Installé sur une place qui tire son nom d’un spectacle équestre organisé par Louis XIV les 5 et 6 juin 1662 ; il sert, dans sa disposition, face au pavillon central du palais des Tuileries, de porte d’accès à la résidence de Napoléon.
Au lendemain de la Révolution française on ne compte plus le nombre de monuments dévastés. Sans surprise, c’est à la gloire de son armée et de ses conquêtes que Napoléon dédie ses nouvelles constructions : les arcs de triomphe de l’Étoile et du Carrousel, la colonne Vendôme, le pont d’Austerlitz, la fontaine de la Victoire (aujourd’hui fontaine du palmier) et ce qui deviendra l’église de la Madeleine ont tous été construits en hommage à la Grande-Armée et ses victoires. Pour l’arc du Carrousel, l’histoire a retenu sa promesse faite aux soldats, au soir de la bataille d’Austerlitz, de les faire rentrer en passant, comme à l’époque des Césars, sous un arc de triomphe…
La référence à l’antiquité
Ce sont les arcs de triomphe de Septime Sévère et de Constantin qui se rapprochent le plus de celui du Carrousel. Comme eux une arche centrale flanquée de deux arches plus petites. Deux arcades sur les flancs rejoignent l’arche centrale et le distingue de ses prédécesseurs. Fontaine et Percier sont chargés de tracer les dessins de l’arc et Denon, directeur générale des musées, hérite de sa mise en œuvre et de son iconographie. Le 7 juillet 1806, à la pose de la première pierre — un mois avant celle de l’arc de triomphe de l’Étoile — il dépose une boîte en bois recouverte de plomb qui renferme une médaille de bronze représentant la façade principale ; dix-neuf autres marquant les événements les plus notables du règne et des pièces de monnaie, frappées au coin de l’empereur. A la différence de celui de la place de l’Étoile, celui de la place du Carrousel est achevé en à peine deux ans.
Un soucis de réalisme
Huit colonnes corinthiennes de marbre incarnat du Languedoc récupérées du château Vieux de Meudon (vandalisé par la Révolution et détruit en 1804) ceinturent l’édifice et sont surmontées de grognards de la Grande-Armée (cuirassier, dragon, chasseur et grenadier de cavalerie, grenadier de ligne, carabinier et sapeur). Denon pour leurs réalisations a missionné un officier du Génie, Chaillot et un peintre Charles Meynier (prix de Rome en 1789), pour une représentation réaliste et précise des uniformes et ne laisse aucune place à l’interprétation aux sculpteurs mandatés. Réalisme que les membres de l’Institut jugèrent trivial… que l’époque jugea moderne. À l’inverse de l’arc de triomphe de l’Étoile, celui du Carrousel vit le 25 novembre 1807 le passage de la Garde Impériale de retour d’Eylau et de Friedland venir déposer les aigles. Le couronnement manquait encore et nombre de sculptures attendaient leur achèvement.
Napoléon à la Grande Armée
Les inscriptions devaient donner une signification à l’arc mais celles qu’on lui soumît étaient en latin et Napoléon exigeat qu’elles furent en Français… C’est Louis-Philippe pour finir, en 1830, qui fit graver les traductions qu’on peut lire aujourd’hui. Le quadrige de Saint-Marc, rapporté de Venise en 1797 et stocké jusqu’alors aux Invalides est hissé au faîte de l’arc et on lui associe un char sur lequel est érigée une statue de l’Empereur. Ce dernier, à cette nouvelle, prétextant que cet arc est à la gloire de son armée et non de sa personne, demande qu’elle soit retirée et que le char reste vide. Un jeu de mots s’ensuivit pour ce Charlatan…
La Restauration épargne l’arc
L’histoire rapporte qu’à sa découverte, débarrassé des échafaudages, l’empereur déclara que sa masse était trop large, qu’il avait plutôt l’air d’un pavillon que d’une porte… En 1815 la défaite et l’occupation des alliés exposèrent l’arc du Carrousel. Les quatre chevaux retournèrent à Venise et les bas reliefs descendus. Louis XVIII qui avait refusé de passer dessous pour se rendre au palais des Tuileries renchérit sur ses protecteurs et alla jusqu’à ordonner la destruction du monument pourtant primé au grand prix d’architecture de 1800… Fontaine s’y opposa faisant valoir que le coût de la destruction reviendrait plus cher que son édification et Charles X se laissa convaincre de le garder à la gloire de la royauté restaurée. A cette époque François-Joseph Bosio reprend le quadrige de Venise pour créer La Paix conduite sur un char de triomphe. Louis Philippe garda cette interprétation y réinstalla les deux conductrices ailées après réparation et remit à leurs places les bas reliefs originaux. De cette époque arrivent les deux femmes assises qui encadrent encore l’arc : L’Histoire et la France Victorieuse.
L’incendie durant la Commune de Paris du palais des Tuileries fait aujourd’hui de l’arc du Carrousel le point de départ de l’axe historique ou de la voie royale, même si la copie de 1986 de la statue de Louis XIV du Bernin dans la cours Napoléon et installée à proximité de la pyramide peut, elle-aussi, signer l’origine Grand-Siècle de la perspective de Le Nôtre.
19 juin 2024
Sources documentaires :
Arcs de triomphe et colonnes triomphales, Gustave Hirschfeld. Éditeur B. Arthaud, 1938.
Histoire du Vandalisme, les monuments détruits de l’art Français, Louis Reau. Éditeur Robert Laffon (Collection : Bouquins).
https://www.louvre.fr/louvreplus/la-restauration-de-l-arc-de-triomphe-du-carrousel