La chapelle expiatoire
Le 21 janvier 1793, date de l’exécution de Louis XVI, marque un point de bascule de la Révolution Française. A partir de cette date plus rien ne sera comme avant. Curieusement, boulevard Haussmann, le square Louis XVI semble presque une zone blanche, indéfinie dans sa raison d’être, oubliée de tous et pourtant lieu de mémoire.
C’est en 1722, année de l’annexion du bourg à Paris que s’ouvre le cimetière de la Madeleine. Cette paroisse créée au XIIIème siècle pour le bourg de la Ville-l’Évêque est depuis le XVIIème siècle bouleversée par la construction de nombreux hôtels particuliers qui oblige à reconstruire l’église pour l’agrandir en 1660 et créer un nouveau cimetière en 1690 dans un terrain acheté à Jean-Antoine d’Aguesseau (situé aujourd’hui dans la rue du même nom). Cimetière qui s’avéra vite insuffisant et obligea la paroisse à trouver un nouveau cimetière au nord de jardins appartenant au couvent des Bénédictines, l’actuel square Louis XVI.
Un passé sanglant
Plusieurs événements historiques vont le peupler. Le premier d’entre eux accueille les cadavres relevés place de la Concorde lors des festivités données pour le mariage de Louis XVI avec Marie Antoinette le 30 mai 1770. Puis les gardes Suisses massacrés au Palais des Tuileries le 10 août 1792, précèdent les ±500 guillotinés de la place de la Concorde. Le Roi, Marie-Antoinette, la comtesse du Bary et Philippe Égalité se retrouvaient ainsi inhumés avec Olympe de Gouges, Madame Roland, Charlotte Corday, Barnave, Hébert le libelliste du Père Duchesne et les Girondins guillotinés en octobre 1793.
Le 24 mars 1794, le cimetière est fermé et vendu comme bien national en 1797 puis en 1802, à Louis-Ollivier Descloseaux un magistrat royaliste habitant l’ancien n°48 de la rue d’Anjou et qui a pu — en voisin — repérer l’endroit précis où avaient été inhumés le roi, la reine et les personnalités les plus marquantes de l’époque. A la différence des autres corps inhumés ils bénéficiaient tous deux d’une fosse individuelle au fond de laquelle une couche de chaux les accueillait avant d’être recouverts. Devenu propriété privée, le nouveau propriétaire fit élever un mur de séparation, fermer la porte d’accès de la rue d’Anjou et planter saules pleureurs et cyprès à proximité du roi et de la reine.
Louis XVIII et sa commande
En 1815 le roi Louis XVIII souhaite retrouver les corps de son frère et de la reine. Descloseaux met son terrain à disposition de la famille royale et indique le lieu d’inhumation lequel est confirmé par Pierre Seveste le petit-fils d’un aide du fossoyeur*. Louis XVIII en remerciements accorde à Descloseaux l’Ordre de Saint-Michel et une pension transmissible à ses deux filles et, à Pierre Seveste et ses descendants, le privilège d’ouvrir en banlieue des théâtres où pourraient être jouées les pièces des théâtres parisiens. Exhumés les 18 et 19 janvier 1815 les corps du roi et de la reine sont mis en bière le 20 et conduits à Saint-Denis le 21, jour anniversaire de sa mort.
A ses frais — et ceux de la duchesse d’Angoulême — Louis XVIII commande à Pierre Fontaine, l’architecte de Napoléon, l’édification d’une chapelle expiatoire (la pose de la première pierre est symboliquement faite le 21, jour de l’exécution et du transfert des corps à la nécropole royale). D’inspiration néo-classique les travaux vont durer 10 ans. L’ensemble a l’aspect d’une nécropole gréco-romaine, l’entrée se fait par un vestibule flanqué de deux portiques chacun composé de neuf arcades voutées abritant un monument funéraire en mémoire des Suisses morts en défendant la famille royale et dont les cénotaphes délimitent l’ancien cimetière. De l’entrée, une volée de marches accède à l’esplanade constituée de la terre tamisée de l’ancien cimetière pour répondre au vœu de Louis XVIII : qu’aucune terre saturée de victimes ne soit enlevée de ce lieu pour la construction à faire… Au fond une chapelle renferme l’Apothéose de Louis XVI par François-Joseph Bosio (1834) et Marie-Antoinette soutenue par la Religion de Jean-Pierre Cortot (1835).
Un lieu polémique
Inaugurée en 1824 cette chapelle est totalement achevée deux ans plus tard sous le règne de Charles X. Sous l’impulsion de la duchesse d’Angoulême, un couvent de religieuses veille à la tenue d’offices religieux en mémoire du roi. À la fois religieux et politique la chapelle expiatoire est considérée malgré tout par sa naissance comme une condamnation du régicide et un monument contre-révolutionnaire même si, à l’inverse des autres cimetières de l’ancien régime, les corps des guillotinés — près de 500 – ont, semble-t-il, été regroupés dans quatre ossuaires sous l’esplanade. Les Trois Glorieuses de juillet 1830 se soldent pour la chapelle expiatoire par l’effacement dans la chapelle d’une frise de fleurs de lys en 1831. La Révolution de 1848, le second empire, la Commune de Paris et les lois de séparations de l’église et de l’état mettent ce monument au cœur des polémiques. En 1870 est apposée la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité » (retirée depuis) ; en 1883, Jules Ferry ne renouvelle pas le dernier chapelain, le monument est désaffecté au culte. Entre la fin du XIXe siècle et le début de la Grande Guerre, une vingtaine de projets de démolition sont recensés. En 1914, la chapelle expiatoire est classée monument historique… et la polémique s’éteint.
* d’après Jacques Hillairet
Sources documentaires :
Dictionnaire historique des rues de Paris, Jacques Hillairet, 1961, Éditions de Minuit
Évocation du vieux Paris, Jacques Hillairet, 1952, Éditions de Minuit
https://www.historia.fr/archeologie/epoque-moderne/les-ossements-des-guillotines-de-la-concorde-sont-ils-dans-la-chapelle-expiatoire-2067325
https://www.chapelle-expiatoire-paris.fr/decouvrir/histoire-de-la-chapelle-expiatoire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ex%C3%A9cution_de_Louis_XVI#cite_ref-Vincent_p20_13-0