A l’aplomb du lion de Saint-Marc, sous le regard du fou… …« Le Joufflu » et quatre masques de comédie veillent sur le quartier du Marais. « Le Joufflu » et ses tessons de verre jette un regard halluciné sur la ville. Dans les entrelacs 4 zélés dragons accompagnent une sirène sous le regard méfiant d’un bouc et d’un chien. Au pied du bœuf de Saint-Luc des grypes retiennent sous leur emprise une chauve-souris et un singe. Au-dessus de l’épaule droite de Saint-Jean-Baptiste, cachés dans les entrelacs un singe, une guitariste et deux oies. Cachée dans les entrelacs au-dessus de deux gargouilles : une guitariste… Face à Saint-Paul, au-dessus des deux fausses gargouilles, dans les entrelacs, trois petits dragons zélés voisinent avec un écureuil. Dans les entrelacs un ours de foire avec sa chaîne semble deviser avec un monstre ailé, alors qu’un chien se tient tapi à l’ombre. Toujours dans la partie haute, un pèlerin se retire une écharde du pied en regardant un singe pensif, sous les commérages de deux petits dragons. Détail. Un pèlerin se retire une écharde du pied en regardant un singe pensif, sous les commérages de deux petits dragons. Détail Au pied de Saint-Mathieu, à l’angle sud-ouest, un ange et son parchemin voisine là-encore avec des masques de comédie sous le regard d’un pèlerin(?) en cul de lampe Au dessus de Saint Pierre, semble planer l’alchimiste tabélion… …Seuls quelques pigeons lui rendent encore hommage. Sur le flanc ouest, Sainte-Marguerite et l’évêque Marcel de Paris voisinent avec deux monstres apeurés. Détail des deux dragons terrifiés. Sur le flanc ouest, dans les entrelacs, un lézard essaie de s’échapper. Absente des images de Baldus et Le Secq, la frise à fleurs de lis est un apport de la restauration. De part et d’autre de la troisième ouverture de l’escalier, à droite du passage entre le corps de la tour et la vis, six énigmatiques encoches en triangle… Détail des six encoches. Détails d’impacts ? souvenirs de batailles ou d’émeutes ?
Tour St-Jacques : vertiges du vestige
La restauration récente de la Tour Saint-Jacques et la confrontation aux rares images photographiques d’Édouard Baldus et d’Henri Le Secq antérieures à la restauration de 1854, interrogent sur ce qui a été restauré, ajouté et modifié au cours des diverses campagnes. Ainsi la lecture de ces deux images montre clairement la disparition du Saint-Jacques et de l’aigle de Saint-Jean au sommet de la tour avec cependant la présence du lion de Saint-Marc, du bœuf de Saint-Luc et la guérite du fabricant de plomb. L’absence de toutes autres sculptures sur les flancs, les rabats-son, les marques des constructions adjointes à la tour jusqu’en 1797 et la différence de niveau entre la rue de Rivoli et les fondations sont eux-aussi bien lisibles. L’ornementation d’entrelacs et fleurons végétaux sur la partie haute de la tour et la présence de « fausses gargouilles » au niveau de la base des rabats-son les plus élevés (fausses parce qu’elles ne semblent avoir aucune fonction d’évacuation du ruissellement) laissent à penser que l’intervention de Théodore Ballu s’est limitée à la mise en place de statues pour la partie haute de la tour alors qu’à l’inverse, la partie basse montre une intervention beaucoup plus forte.
Un gothique flamboyant…
Pour autant l’observation du haut de la tour avec une paire de jumelles ne manque pas de surprises. À l’aplomb du lion de Saint-Marc par exemple, là où commence le réseau d’entrelacs, une tête de garçon aux joues rebondies et aux orbites rehaussées de tessons de verre jette un regard halluciné sur le quartier du Marais… Une conversation avec une personne ayant travaillé à la restauration des sculptures m’a conforté dans mes interrogations. Elle le nommait « Le Joufflu », ne connaissait pas sa raison d’être et confirmait que sa pierre était identique au reste de la tour (l’image de Baldus confirme elle aussi sa présence avant restauration). Qui plus est à sa gauche, à moins d’un mètre, des masques de comédie en cul de lampe posent aussi question.
Continuons maintenant à promener nos jumelles dans ce tiers supérieur qui semble d’origine… Sous le bœuf de Saint-Luc, au même niveau que « Le Joufflu » de Saint-Marc cinq zélés petits dragons sont associés à une sirène sous la surveillance d’un chien et d’un bouc tapis dans des entrelacs en surplomb… Antérieures ou postérieures à 1854, l’origine de ces sculptures reste une énigme à mes yeux ; la sirène qu’on retrouve aussi comme « coquetterie » de la restauration au-dessus de l’épaule gauche de Saint-Roch atteste malgré tout que sa représentation probablement liée à la découverte des reliques de Jacques le Majeur n’est pas unique dans l’iconographie de la tour. Un bestiaire abondant fait d’ailleurs cohabiter écureuil, lézard, ours, singe et chauve-souris aux côtés d’un pèlerin et autres odalisques à guitare et parchemin qui pour leurs parts — hors chauve-souris — semblent beaucoup plus contemporains.
… revisité par Théodore Ballu
Toutes ces énigmes n’émanent pas que de la partie supérieure de la tour. Ainsi on observe à l’aplomb du Saint-Jacques, à la base des vitraux une frise fleurdelisée qui court sur tout le flanc ouest sans être prolongée sur aucun des autres flancs. On sait pourtant que la fleur de lis a été abandonnée comme symbole officiel de la France royaliste avec la Révolution de juillet 1830 et l’adoption du drapeau tricolore par Louis-Philippe. J’imagine qu’elle ne justifie sa présence que par le regroupement sur ce même flanc de Sainte-Catherine, Saint-Louis, Marcel de Paris (9ème évêque de Paris), Sainte Marie-Madeleine, Sainte-Margueritte et Sainte-Geneviève.
Cette gargouille au-dessus de l’épaule droite de Saint-Pierre sur le flanc nord, le regard tourné vers le soleil couchant, comme détaché des monstres qui l’entourent, a tous les traits d’un personnage que l’on veut croire familier des lieux… L’histoire de Nicolas Flamel et sa manie de se mettre en scène avec Marie, Saint-Jean et Saint-Jacques me laissent espérer — dans un élan poétique — qu’un sculpteur facétieux a voulu lui rendre hommage en le représentant, tel un aigle, fixant le soleil… Mais de quelle époque date cette gargouille ? Lors de la construction de la tour au début du XVIème siècle Nicolas Flamel est déjà enterré depuis presque un siècle, mais dans son testament le leg de sa fortune à la paroisse de Saint-Jacques-la-Boucherie est assorti d’une demande que soit faites dévotions, prières et représentations en sa mémoire ; et l’image de Baldus laisse deviner qu’au niveau où se situe cette gargouille il en existe d’autres…
Et puis sur le flanc nord quelles sont ces encoches en triangles entourant la deuxième ouverture de l’escalier, à droite du second passage entre le corps de la tour et la montée vers le faîte ? La même question se pose pour ces marques du flanc ouest (des boulets ??).
Sources documentaires : La tour de Saint-Jacques-la-Boucherie ou mémoire historique, archéologique et critique ; N-M Troche, Julien, Lasnier, Cosnard et Cie, éditeurs, 1857. Wikipédia.
Alchimie, Baron Haussmann, Blaise Pascal, Camille Formigé, Eugène Viollet-le-Duc, gargouilles, Gérard de Nerval, gothique flamboyant, Jean-Charles Alphand, Jean-Louis Chenillon, Jules Cavelier, La tour Saint-Jacques, Moyen-Âge, Nicolas Flamel, Paris, Paris médiéval, Saint-Jacques-de-Compostelle, Saint-Jacques-la-Boucherie, Saint-Jacques-le-
Majeur, Second Empire Second Empire, station météo, Théodore Ballu,